JEMA 2017 : Savoir (-) faire du lien , une contribution

Depuis 2012 nous accueillons des artisans dans notre site de Clichy et depuis 2014 dans dans site de Paris. Cette année nous participons aux JEMA.

Au delà du jeu de mots, comment interpreter l’épigraphe de l’édition 2017 des Journées européennes des métiers d’art ?

Quelques pistes pour nous :

Savoir-faire : l’histoire du charron Pien

Dans leçons sur Tchouang-Tseu, Jean-François Billeter rend compte et cite l’histoire du charron Pien ( mélange d’ébéniste et de ferronier dont la tache était de réparer les roues de charettes…) écrite environ trois siecles avant notre ère :

Charron

Le duc Houan lisait dans la salle, le charron Pien taillait une roue au bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc : Puis-je vous demander ce que vous lisez ? –Les paroles des grands hommes, répondit le duc. –Sont-ils encore en vie ? –Non, ils sont morts. –Alors ce que vous lisez là, ce sont les déjections des Anciens ! –Comment un charron ose-t-il discuter ce que je lis ! répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon tu mourras ! –J’en juge d’après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j’attaque trop fort, il s’arrête [dans le bois]. Entre force et douceur, la main trouve, et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis exprimer par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n’ont pu le recevoir de moi et que, passé la septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu’ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l’ont emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là.

Il y a effectivement des choses qui ne s’aprennent pas dans les livres, qui même ne se transmettent pas par la parôle et qui ne s’acquierent que petit à petit, par le geste, la pratique , l’itération et sur une période conséquente de temps…

La fréquentation des artisans nous apprend celà, et c’est parfois utile, rafraichissant et salutaire dans un environnement où tout nous pousse à aller de plus en plus vite, notamment du coté business.

 D’un autre côté…

La fréquentation des artisans nous montre aussi les limites posées à ne se tenir que dans la pratique d’un métier, fut elle excellente.

l’approche business est essentiellement celle d’une ouverture à l’extérieur, au monde et de façon plus précise au marché pour comprendre dans un premier temps ce qui s’y passe, ce qui change, puis pour essayer de s’y engager.

C’est parfois une difficulté que nous rencontrons dans notre dialogue avec des artisans présents chez nous : passer d’une approche très intériorisée de leur métier et de leur pratique nécéssaires à leur maîtrise,  à une ouverture sur le monde nécéssaire au business à la survie et au développement.

-Passer de l’intuition stylistique à la marque de mode….

-Passer de la maîtrise de la taille de pierre ou du verre au développement d’une marque de bijou…

Tout celà n’est pas facile, parfois contre-culturel et celà peut prendre également du temps.

Savoir faire ce lien entre deux univers, deux démarches c’est aussi notre métier , que nous approfondissons chaque jour…

Entre force et douceur, la main trouve, et l’esprit répond !